GRIVE - Tales of Uncertainty LP 2024
Album Review
GRIVE - Tales of Uncertainty LP 2024
Un peu en retard sur la découverte du drôle d'oiseau, le temps de voir sous les plumes de GRIVE.
Mais est-ce bien un oiseau?
Affirmatif! Et même l'emblème du village de St Erme où le duo a enregistré.
Vous avez dit duo?
Affirmatif! GRIVE possède 2 ailes : Agnès Gayraud, Sorbonne et Normale sup, philosophe et journaliste, alias l'artiste "La féline", et, ils étaient faits l'un (félin ahaa) pour l'autre forcément, Paul Régimbeau aka Mondkopf (le lunaire en allemand) en langue techno.
Ils commencent à collaborer en 2015 pour un premier EP, bien maturé, en 2021. De nos jours, on cherche des certitudes. En 2024, nos artistes du sud-ouest, nous racontent l'incertitude. Une incertitude qui va jusqu'à l'écroulement d'une maison, malgré ses fondations, sur la pochette à l'aspect page de journal en noir et blanc. Un drame aussi simple qu'un coup de pelleteuse. Quelqu'un veut faire le rapprochement avec le fragilité de notre planète?
De simples vibrations contiennent les premiers mots de la chanteuse, héroïne sans couleurs (sans saveur?) du futur ou du passé dans un 'Hotel Room' incertain. Un certain temps, le synthé, au ton d'harmonium parfois, trace une mélodie fluette, égratignée par une guitare hésitante. La tendance, à flou cinématique, ferait penser à Julee Cruise sur la BO de Twin Peaks (David lynch) mais correspondrait tout autant au mystérieux 'Mulholland Drive'.
'Wait and see' fait monter des bouffées d'étouffement, dans un son grave et menaçant, tiré par un fond de grosse caisse. Agnès semble avancer avec appréhension en fredonnant tout bas. Puis, le ton monte comme le mauvais temps dans une dépression.Les textes insistent sur cette notion d'incertitude 'I don’t know how it’s gonna end'.
'Burger shack' installe d'emblée une ambiance cocooning et hypnotique, flirtant avec Slow dive, Cockteau twins ou Mazzy star. 'This road never ends' dans le texte, en rappel de la pochette du 1er EP qui contenait une autre version du titre, où l'on apprend que l'aveugle sait tout. Un incroyable morceau, aux arpèges envoûtants, shoegaze dans l'âme éthérée, qui ne donne pas la frite et pourtant, plein de sel au bord des lèvres, il vous envahit et vous transporte dans une valse en boucles majestueuses.
'How Many Years' ne dure pas et n'est pas dur. Le chant ondule sur une ritournelle au synthé-harmonium tournoyant, presque à bout de souffle. Une dénonciation des méfaits des écrans...
Progressivement, la composition suivante creuse son ambiance sombre d'abord, tirée par une lente rythmique à tambours lugubres. On a l'impression de suivre l'enterrement d'une déception amoureuse. Le ton, terriblement poignant, de la 'Darkest Woman on Earth' demeure longtemps accablé. Les arrangements, dépouillés, laissent passer quelques twangs à la guitare et virgules synthétiques, telles des embellies. Après le 2è stop, l'orchestration déborde en grondements. Une plage electro-dark qui fait tellement penser à la noire Chelsea Wolf.
La grive monte ensuite son chant vers les étoiles à l'intro de 'Go up the river'. Le synthé s'ancre tel un son rayé qui se répète gravement. Le tempo lourd donne le temps au développement de couches de claviers cosmiques que la voix, sensuelle, chevauche dans un espèce de trot trip-hop. Plus loin les touches s'égarent en élucubrations météorites puis s'éteignent, laissant la batterie claquer sur un soupir électro dans l'écho.
'Quicksands' porte bien son nom. Débuté en spoken words, il vous enlace et ne vous lâche plus. Une trame de fond qui ronronne et au-dessus des grattements de guitare en pointillés qui s'enfoncent. La puissance orchestrale varie mais le mouvement demeure inaltérable, aspirant par le fond.
En final, une simili dreampop se noie dans le slowcore où la lenteur envahit ton corps jusqu'à l'engourdir. Un truc addictif qui donne envie d'y revenir encore et encore. Une boucle 'The loop' (pas loupée) synthétique et régulière installe les conditions d'hypnose. Un chant, type chorale, s'élève, arrosé de percussions expectorâles et quelque-part spectrales. Puis le son s'estompe, laissant une impression de vide déprimant...
Très haut perchée, la Grive ne bat pas de l'aile. Elle vient d'enregistrer de maitres sons d'une grande mélancolie. Une bande musicale cinématique totalement fascinante!
01. Hotel Room
02. Wait and See
03. Burger Shack
04. How Many Years
05. Darkest Woman on Earth
06. Go Up the River
07. Quicksands
08. The Loop
Enregistré en condition live (au studio Mer Noir à Paris puis chez Mélodium à Montreuil)