BAD JUICE - Amour noir LP 2024
Album Review
BAD JUICE - Amour noir LP 2024
David et Thomas Schmidt se connaissent... depuis la naissance et se complètent musicalement avec aisance depuis le lycée sans s'enliser ni lisser leurs influences.
Partis de la Lorraine pour un court voyage à Strasbourg, la fratrie se patine, croisant early 50's rock (à Billy notamment), blues, soul et même folk et passe de The Swamp à Bad Juice (un alcool pourri de contrebande) sur 2 albums :
- en 2016, leur heure sonne avec 'Ding-a-dong', loin du titre vainqueur de l'eurovision 1975 (Teach in) d'autant que ça parle de sexe,
- en 2019 'Stack-O-Lee' (un vieux titre de 1928) prouve qu'ils ont plus de blues américain chevillé en eux, malheureux que d'eurovision en vue.
'Amour noir' vient confirmer l'abandon des tirets pour un intitulé plus direct qui devait dessiner des traces noires, musicalement parlant.
Tom aimant le rockabilly et David chérissant Johnny Cash, ils décident, en toute logique, de faire un disque de... soul et ... n'y arrivent pas.
Alors à Berlin, au Candy Bomber Studio, ils collaborent avec Gemma Ray, une artiste forte de neuf albums, décrits comme pop noire, une so(u)l-itude plutôt donc. Bonne solution?
En tous cas, les traces noires encrent finalement les textes "Sur le fait que des êtres te manquent".
Tristan Thil (ancien bassiste de Swamp) réalise la pochette noire et blanc, dans un collage surréaliste, qui combine une tête de zèbre, coiffant 1 corps féminin nu, d'où émerge une 2è paire de jambes.
Tant qu'il y est, il coécrit la bonus track 'Cockroach', aux accents R&Roll américain à la Presley, enregistré plus tard en Alsace.
Autant ouvrir l'album par le morceau titre. Un truc à la guitare aussi noire que l'amour, un son blues vrombissant qui fait penser aux Black Keys.
On entend une nappe flottante de clavier, survolée par des chœurs qui hululent, le tout comme au fond d'une grotte où l'on découvre avec horreur le corps de l'affaire du Dahlia noir.
'Mad love' poursuit dans des airs country-rock américain, à la guitare perlant la réverb qui domine des arabesques de clavier au son Farfisa.
Les chœurs, omniprésents, inondent le morceau et l'entrainent dans un passage pyschédélique juste avant le retour du refrain.
Et voilà un rockabilly vintage à la guitare folle avec 'Single Barrel' au rythme vif et millésimé. Une basse joue la contrebasse et la batterie son tic tac, tic tac comme un compte à rebours.
'City On Fire' sonne terriblement spectorien avec ses handclaps, chœurs féminins et rappel des chambres d'écho.
Oui, ici, le duo expectore ses influences avec force et évidence. On évoquait la solitude, c'est le thème de ce texte inspiré d'un roman de Garth Risk Hallberg (si vous le dites...).
Une balade nostalgique 'Pretending To Have Someone', à clochettes et orgue discret, complète la panoplie 50's.
Et une dénomination à rallonge 'Scenes From The Very End Of The Universe (And What Happens Next…)' vient déverser sa tristesse beatlesienne ressentie dans un mellotron mêlé aux chœurs.
Le final s'envole avec un effet (-érique) au sifflement comme annonçant le décollage de personnages liés à l'univers Marvel (hommage).
'Délia' mélange tambourins, guitare saturée sur un rythme monocorde, et chants enfantins. Les percussions, plus loin, claquées, rappellent progressivement la méthode Spector, visiblement bien inspectée et maitrisée.
'Since You’ve Been Gone' ne consiste pas en une reprise de Rainbow. Il s'agit d'un morceau au parfum soul Ronettes/Supremes et son spectorien, à nouveau, chanté par la turque Zeynep Kaya (du groupe strasbourgeois Hermetic Delight).
Pas en reste, le twang tortueux de la guitare borde la jolie trame vocale.
La voix principale, soutenue par des chœurs angéliques, trace la mélodie mélancolique de 'Dark train' aux accents cowboy. La guitare raye une rythmique à vapeur perpétuellement au trot et ça marche...
'Cockroach ', en conclusion, ne file pas le cafard laissé aux titres précédents. Celui-là secoue les déprimés.
'Amour noir' tranche carrément avec les sons actuels tout en modernisant ses attractions rétros.
'Bad juice' mixe cette mixture magnétique qui s'accroche aux tympans au fil des écoutes et glisse finalement comme une bonne vieille cuvée que l'on déguste.
TRACKLISTING
Amour Noir
Mad Love
Single Barrel
City On Fire
Pretending To Have Someone
Scenes From The Very End Of The Universe (And What Happens Next…)
Delia
Since You’ve Been Gone
Dark Train
Cockroach (bonus track)
David Schmidt Chant, batterie
Thomas Schmidt Guitares, choeurs
Zeynep Kaya-Beraud aux chœurs,
Nick Wernert à la basse,
Gemma Ray chœurs, guitare et claviers