Album - Deep Purple - Turning To Crime

Album Review

Album: 
Album - Deep Purple - Turning To Crime
Artist: 
Deep Purple
Record Label: 
earMUSIC
Style: 
hard rock
Date: 
24/01/2022
Reviewed by: 
Preumont Michel

Album - Deep Purple - Turning To Crime

 earMUSIC

( michel) 

 

Le Purple a-t-il encore quelque chose à prouver? 

Non, bien sûr.

 Lorsqu'en février 1968,  Jon Lord et  Ritchie Blackmore s'associent avec Nick Simper, Ian Paice et Rod Evans, pour former Roundabout, un nom qu'ils n'ont pas piqué à Yes, qui n'existait pas encore, rien ne laissait supposer que cette formation, devenue Deep Purple quelques mois plus tard, allait défrayer les chroniques et devenir un des porte-paroles d'un genre nouveau: le hard rock. 

22 albums studio, plus de la moitié disques d'or, des salles remplies aux quatre coins du monde, des classiques à la pelle ( Black Night, Speed King, Smoke on the Water, Child in Time, Highway Star, Strange Kind of Woman, Woman from Tokyo, Burn....) , des centaines de tribute bands ( notre préféré Strange Kind of Women) , et récemment,  enfin, une intronisation dans le Rock and Roll Hall of Fame.

Qu'est ce qui pousse ces septuagénaires à encore pondre des albums?

Le plaisir de faire de la musique ensemble, sans se prendre la tête, sans viser le sommet des charts, s'amuser comme des gamins, c'est tout.

'Turning To Crime' ne fait pas l'unanimité, le plus gros reproche pour certains, c'est  d'être un album de reprises, voilà le Purple réduit au statut minable de coverband, c'est oublié que les plus grands se sont prêtés à ce jeu: John Lennon et David Bowie en tête.

Sans oublier que quelques premiers hits des pionniers étaient déjà des reprises:' Hush' de Joe South , 'Kentucky Woman' de Neil Diamond ou 'Lalena' de Donovan.

Alors, pas question de bouder son plaisir, on pose la rondelle sur le vieux tourne-disque, en sachant que l'idée de l'exercice vient du producteur, Monsieur Bob Ezrin!

Tracks.

01. 7 And 7 Is (LOVE)
02. Rockin' Pneumonia And The Boogie Woogie Flu (Huey "Piano" Smith)
03. Oh Well (FLEETWOOD MAC)
04. Jenny Take A Ride! (MITCH RYDER & THE DETROIT WHEELS)
05. Watching The River Flow (Bob Dylan)
06. Let The Good Times Roll (Ray Charles & Quincy Jones)
07. Dixie Chicken (LITTLE FEAT)
08. Shapes Of Things (THE YARDBIRDS)
09 The Battle Of New Orleans (Lonnie Donegan/Johnny Horton)
10. Lucifer (BOB SEGER SYSTEM)
11. White Room (CREAM)
12. Caught In The Act (Medley)
 
Crédits:
 
Deep Purple
 
Ian Gillan – lead and background vocals, percussion
Steve Morse – guitars, co-lead vocals on "The Battle Of New Orleans"
Roger Glover – bass, keyboards, percussion, background vocals, co-lead vocals on "The Battle Of New Orleans"
Ian Paice – drums, percussion
Don Airey – keyboards
 
Musicians
 
Bob Ezrin – background vocals, co-lead vocals on "The Battle Of New Orleans"
Leo Green – tenor sax, horns arrangement
Matt Holland – trumpet
Nicole Thalia – background vocals
Marsha B. Morrison – background vocals
Gina Forsyth – fiddle
Bruce Daigrepont – squeeze box
 
Pochette: les cinq vieillards sont transformés  en malfaiteurs. Un fichier de type Canonge doit permettre à la police scientifique de disposer de tous les signes distinctifs ( photo du visage,   taille,  tatouages, couleur de cheveux,  compte en banque, nombre d'éjaculations précoces, etc...) utiles pour les repérer en cas de délit, dès leur sortie de geôle.
 
C'est en 1966 que  Love  sortait '7 and 7 is', un mix de garage et de psychédélisme, déjà repris par pas mal de bands, des Ramones aux Electric Prunes, en passant par Alice Cooper ou Robert Plant. La version de D P  n'apporte pas grand chose de neuf si on la compare à l'original, même si  le côté  démoniaque fait place à un  double solo. Steve Morse et Don Airey, les derniers arrivés, sortent l'artillerie lourde pour donner un cachet pourpre au morceau d'Arthur Lee.
Reprendre en plein Covid le vintage rock track ' Rockin’ Pneumonia And The Boogie Woogie Flu' de Huey 'Piano' Smith, c'est pas un peu opportuniste?
Ici encore, Don Ayrey s'amuse comme un petit fou avec un jeu de piano très Jerry Lee Lewis, même s'il avoue s'être inspiré de Professor Longhair. En passant il nous fourgue quelques mesures de ' Smoke on the Water'.
Quant à Ian Gillan  , il n'a pas fallu des heures pour le convaincre de reprendre ce classique pur jus , il aime le bon vieux  rock'n'roll, comme il le chantait du temps des  Javelins.
A noter la prestation consciencieuse de  Leo Green et Matt Holland aux cuivres
Sur ' Oh Well' de Peter Green, c'est au tour de Steve Morse de se faire plaisir, il se lâche pour placer un solo en forme de fusée.
 Certains regretteront la finesse d'un Peter Green, mais force est de constater que le morceau n'a pas à pâtir des effets épiques  imaginés par l'ancien Dixie Dregs.
Il est à noter que Deep Purple a escamoté la seconde partie acoustique et aérienne  du morceau  pour ne conserver que Part 1.
'Jenny Take A Ride' sonne plus  Deep Purple que Mitch Ryder and The Detroit Wheels, une tonalité  compacte et la voix légèrement traînante de Ian Gillan attendent le solo du marin amphibie.
 Eh, Jenny, sors de ton trou, viens écouter cette partie de piano folle de Don avec un final caoutchouteux, c'est d'ailleurs ce dernier  qui a suggéré aux autres d'inclure cette bombe sur l'album .
Et qui pépie joyeusement derrière monsieur Gillan?
 Nicole Thalia et Marsha B. Morrison, des nanas qui peuvent arborer une belle carte de visite comme backing singers: Tom Jones, Lionel Richie, les Who pour Nicole, la seconde étant plus spécialisée en gospel.
Plus étonnante est la reprise de 'Watching The River Flow' de Bob Dylan.
Le  blues de Dylan, bien aidé par Leon Russell au piano et Jesse Ed Davis aux riffs cinglants , devient  rock musclé dans la version proposée par les vétérans anglais.
Un conseil, t'approche pas trop du cours d'eau, si par mégarde tu devais trébucher et te retrouver à la flotte, tu risques de boire la tasse, le torrent  est  tumultueux. 
Les horns à l'honneur sur l'introduction 'de  Let the good times roll' de Ray Charles,  puis la paire Morse/Airey se paye une séquence jazzy, l'Hammond est particulièrement purulent, mais comme le claviériste a plus d'un tour dans son sac, il embraye sur un solo de piano aux senteurs New-Orleans, ,les cuivres rappliquent et Ian y va de son laïus prophétique.
Quoi, on n'a pas encore placé une ligne à propos du travail de Glover et Paice, ben, non, ces mecs sont des bêtes, tu peux pas trouver mieux comme section rythmique, leur enthousiasme est resté intact après plus de 50 ans passés au service du rock.
Comme le disait le fils d'Alain Poiré, qui carbure à la Williams, les papys font de la résistance et c'est pas demain que les vieux de la vieille vont prendre la direction de l'hospice.
Un petit tour au Tennessee pour faire la connaissance de la ' Dixie Chicken' de Little Feat, une nana aux longues jambes, au sourire ravageur et à la descente pas triste, seul hic, la fidélité n'est pas sa qualité essentielle.
Deep Purple tâtant du R'n'B de la Nouvelle-Orléans, ce n'est pas courant, une fois la surprise digérée tu tu laisses avoir grâce au petit solo introductif que Ian Paice a concocté,  le piano dixie de Don Ayrey, décidément très en verve, le timbre sudiste de Gillan et les backings de tonton Bob et de Roger Glover, complètent le tableau. 
Argh, les Yardbirds, pionniers du psychedelic rock, le groupe qui a compté en son sein presque autant de guitar heroes que John Mayall ( parfois les mêmes). Des morceaux tels que ' For your love'  ' Still I'm sad' ou  'Shapes of Things',  avec le fameux  solo de guitare de  Jeff Beck,  resteront pour toujours dans le top hundred des plus grands hymnes rock.
Pour rester à la hauteur, Steve Morse nous livre quelques lignes furieusement  inspirées,  suivies par une envolée prog de l'inévitable Don Ayrey.
Bien joué, les vieux!
La grosse surprise de l'album restera 'The Battle Of New Orleans' avec  son accordéon flon flon (Bruce Daigrepont)  et son violon crin crin  ( Gina Forsyth).
Bordel, jamais tu aurais cru le mec qui t'annoncerait que le Purple allait virer  Pogues  ou country, c'est à tel point que le chat et le chien des voisins ont entamé une polka endiablée.
Un jour, Bob Seeger a rencontré ' Lucifer', ça l'a marqué, et voilà que l'ange déchu vient importuner Deep Purple, qui décide de reprendre le rock du bon  vieux Bob pour mouliner en roue libre.
Du coup ça remue sec de l'autre côté du Styx.  
' White Room' semble avoir été écrit pour Gillan, qui se sent à l'aise dans cette chambre aux rideaux noirs.
La version proposée sur 'Turning to Crime' n'est pas foncièrement divergente de l'original de Cream.
On sent tout le respect que le band voue au trio Clapton, Bruce, Baker. 
Puissance, virtuosité et efficacité sont bien  au rendez-vous.
Le medley ' Caught in the act' ( près de 8') ponctue  l'album, un piano, démarrant en ragtime pour devenir hystérique, invite les danseurs  à se démener.
 Après 60 secondes, tu reconnais ' Going Down' de Don Nix, un cheval de bataille de Freddie King, 'Green Onions' de Booker T suit, avant un détour vers le Southern rock des Allman Brothers ( Hot' Lanta).
T'es confus, Led Zeppelin aussi, ' Dazed and Confused'  déboule pour se fondre dans ' Gimme Some Lovin' du Spencer Davis Group, le pot-pourri  s'éteint sur quelques coups de baguettes de Ian Paice.
 
Quand Deep Purple aura purgé sa peine pour avoir pillé le patrimoine archéologique du rock , il remontera sur scène, d'abord aux States, puis sur le vieux continent, ils sont annoncés au Graspop et au Hellfest.
 
Tu n'as pas encore ton sésame, c'est le crime du siècle ( merci qui?)!